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Journal d'un citoyen
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19 mai 2009

Généalogie de la publicité

"La publicité semble être une question secondaire. On la trouve facilement plaisante. Elle se donne même comme la fantaisie de la réalité.
Cette dénomination indique pourtant clairement l’« essence » de ce qui est public, et donc proclame tout de suite la prétention d’annexer et de convertir celle-ci.
La publicité procède par stratégie et tactique. Quoi qu’on en dise, elle est, sous toutes ses formes, une théorie et une pratique de la force.
Elle est indissociable de tout un fonctionnement social et en donne une image, à la fois, déformée et fidèle.
Elle ouvre un champ de bataille majeur, où la guerre doit être menée avec des moyens paradoxaux en regard de l’image toute faite et refaite qu’on en a. Et c’est, précisément, la doxa qu’elle vise, afin de la transmuer.
La guerre économique doit se dérouler sur fond de libération, largement imaginaire, des corps et des esprits.
La publicité, à travers de multiples pressions éphémères, aide à constituer une atmosphère inéluctable. Comme facteur d’immanence, elle tend à envahir toute la sphère publique. Celle-ci sera aussi remplie d’elle que possible, mais la saturation (notion changeante) devra être évitée.
À haute dose, elle crée un continuum, au-delà de ses discontinuités, et une stagnation, au-delà de ses rotations. Elle finit par être là, même où elle semble absente ; et par sembler ne pas être là, même où elle est présente. Sa stagnation rotative prend alors, si l’on peut dire, un poids énorme de légèreté.
Son ton, son style de base s’insinuent partout. Loin d’avoir lieu seulement de temps à autre, elle annexe à son domaine jusqu’aux intervalles qui séparent ses apparitions. Sa logique étroite de l’irrationnel tient lieu de bien commun.
Elle fait école, soi-disant buissonnière : elle devient la vie, en tant que déni de la vie. Elle n’a rien de spontané, alors qu’elle en a tout l’air. Elle est la médiation par excellence qui, grâce à sa sophistication, devient capable d’être vécue comme immédiate.
S’ouvre tout un champ pour l’invention et la mise au point d’armes psychologiques (mais le corps entier est visé). Elles ont pour cible les masses.
Pourtant, il s’agit de pacifier. Quand on utilise un vocabulaire guerrier, c’est en modifiant son sens : il doit pouvoir signifier la vie comme griserie, détachement de tout, gratuité fantasmatique des plaisirs et de la jouissance, etc.
Il n’est question de cible qu’au prix d’un enveloppement et d’une pénétration qui ont peu à voir avec le rapport archaïque entre la flèche et l’animal.
La publicité contribue beaucoup à rendre naturelles, à travers toute une immanence, les formes de transcendance à l’usage des masses qui conviennent le mieux au développement du capitalisme.
En un sens, elle est bonne pour les hommes. Elle ne les traite pas comme des récepteurs passifs. Elle ne s’adresse pas à eux comme à des contenants et ne leur adresse pas des contenus. Elle est plus fine et perverse que cela. Elle les traite comme des hommes à la transcendance irrépressible : des hommes libres."

Fiction du capital de Gérard Lépinois
15x21, 224 pages, 15 euros
ISBN: 978-2-35502-006-3

Source: Les cahiers de l'égaré

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